Traductions françaises ( Boky Namako 1–12), 4.3.15 corr

 

Contes et légendes malgaches

 

A Madagascar, tout comme dans d’autres pays, les anciens contes et légendes sont racontés aux enfants par leurs parents et grands-parents, parfois par des conteurs, dans leur langue maternelle. Et comme tous les enfants du monde, fascinés, ils se réjouissent quand les petits et faibles (= les enfants !) et la bonne cause gagnent et que les méchants reçoivent leur punition méritée. Les enfants, faits alors de curiosité et de tension passionnés, exultent lorsqu’on leur conte les aventures lointaines des héros légendaires.

Avec l’imagination, tout devient possible: vivre sous l’eau, voler avec les oiseaux, nager au dos des crocodiles, enlever et remettre des yeux à leur place, cueillir du ciel la lune, voler à l’intérieur d’une chouette ou encore brûler des monstres. Les histoires de filous et autres polissons sont également très populaires. Chaque histoire est racontée avec de nombreuses variantes, et diffère d’une famille, d’un village à l’autre.

Les changements des conditions de vie, surtout dans les villes, menacent de disparition ces traditions. En outre, le monde des enfants est envahi et inondé par les médias modernes, les prospectus multicolores de toute sorte, la télévision et l’internet.

Les contes et légendes – si importants pour l’enracinement émotionnel et culturel ainsi que pour la stimulation du plaisir de la lecture – risquent de tomber dans l’oubli.

Cette série « Boky Namako » (« le livre, mon ami ») est une sélection de quelques-uns des contes et légendes,  de chansons enfantines traditionnels venant de toutes les régions de la Grande Ile, présentés avec amour par des enseignants, écrivains et artistes malgaches. L’accueil très favorable par la population en a fait en peu de temps les livres d’enfants les plus vendus à Madagascar, nécessitant la 2ème édition déjà après deux ans. De 2012 à 2016, 60.000 exemplaires ont été imprimés.

Nous souhaitons une longue, longue vie à tous ces livrets, pour le plaisir de leurs petits et grands lecteurs.

Antananarivo, en février 2017

Basilisse Pflüger-Rakotomalala und Wolfgang Pflüger

 

L’association Madagasikara Namako (siège à Leichlingen/Allemagne) a encouragé cette initiative.

Internet : http\\madagasikara-namako.jimdo.com. Les linguistes de l’Académie Malgache ont veillé à l’emploi correct de la langue malgache. L’impression a été réalisée en offset dans les imprimeries d’ Antananarivo. Les traductions ont été préparées par B.& W. Pflüger (allemand), J. Randrianaivo und M. Rakotoson (français),  Carolyn Bear («chloerayban »), F. Aliderson et J. Lamoure (anglais). Un grand merci à tous ! (320)

 

1 - Darafify
2e édition (modif.)

Texte de Eric Ravalisoa, dessins de Max Hariman

(page 4) Il était une fois, chers enfants, un homme gigantesque, un géant qui vivait  dans l'Est  de Madagascar. Il pouvait, disait-on, atteindre le ciel de ses mains. On l'appelait Darafify ou Rapeto.
Darafify pouvait refouler les vagues, en soufflant dessus. D’un seul saut, il pouvait enjamber plusieurs collines. Il était cependant très gentil et n’aimait faire de mal à personne.

(6) Voilà Darafify en train de fouiller dans le ciel. En effet, une nuit, sa femme lui avait dit : « S’il te plaît,  prends-moi la lune qui est là-haut. » Darafify aimait tellement sa femme qu’il lui cueillit la lune.

(8) Mais la lune tomba sur la terre, parce qu’il n'avait pas su la tenir et  brûla de vastes forêts. Stupéfaits et fâchés devant l'ampleur de cet incendie, les gens se rassemblèrent pour se concerter.

(10) Mais, chers enfants, pendant que les gens étaient occupés à discuter sur ce qu'il fallait faire, le feu faisait des ravages : les lémuriens, les caméléons, les tortues furent exterminés.

(12) Le feu s’étendit, les maisons brûlèrent avec tout ce qu’elles contenaient, les zébus, les porcs et la volaille furent décimés, les champs de patates douces et de brèdes calcinés, les fôrêts réduites en cendres et l’eau salie.

(14) Les gens n'avaient plus sous les yeux qu’un seul arbre, droit et d’une taille vertigineuse. Ils déclarèrent que cet arbre gigantesque était dangereux et qu’il fallait l’abattre.

(16) L’assemblée se sépara. Mais on ne tarda pas à revenir avec une hache. Certains même étaient munis d' un coupe-coupe.

(18) Les gens s’attaquèrent au grand arbre avec leur hache, faisant couler des flots de sève rouge sang.
« Hé bé ! vous voyez, n'est-ce pas un arbre maléfique? le bois est rouge comme le sang », dirent-ils, saisis de stupeur.

(20) Pris de panique. beaucoup s’enfuirent.
Certains réussirent tout de même à conserver leur sang froid et ordonnèrent aux fuyards de revenir. Les arbres maléfiques, disaient-ils, devaient être abattus.
Serrant les dents, ils s'acharnèrent pour abattre définitivement l’arbre de malheur.

(22) Après de longs efforts acharnés, l’arbre gigantesque s' écroula. Ce fut à ce moment-là seulement que les gens se rendirent compte qu’il s’agissait de Darafify et non d’un arbre.

Les gens furent heureux de le voir abattu. Darafify recouvrait de son corps immense des plateaux désertiques.

(24) Mais le sang de Darafify, disait-on, ne cessait pas de s’écouler et se changeait en engrais. Son sang rendit fertiles les terres désertiques et fit germer une grande quantité d'espèces d’arbres différents.

(26) Plus tard, les arbres poussèrent en abondance dans cette région, donnant ainsi naissance à l'ancien dicton : « Jamais tu n’épuiseras la forêt de l’est ».

Contes, contes, légendes, légendes !
Moi, je raconte, vous, vous écoutez !
 (460) J. (bpr II/15)

2 - Tsingory, le danseur

Texte de Eric Ravalisoa, dessins de Max Hariman

(p. 4) Un jour, chers enfants, selon un conte recueilli en Imerina [région des Hauts Plateaux], Dieu distribua des talents. Tsingory en reçut un, celui de savoir danser. C'était un grand plaisir de le regarder danser. Tous ceux qui jouaient d’un instrument et savaient chanter prenaient part au plaisir de le faire danser.

(6) Tsingory dit un jour à sa mère : « J’ai besoin d’une voix parfaite, une voix exceptionnelle pour danser. » « Et où donc trouveras-tu cela ? » demanda sa mère. Tsingory réfléchit longtemps, puis eut une idée.

(8) L’oiseau du Roi lui vint à l’esprit, un oiseau au chant mélodieux et enchanteur . Tous les sujets du roi, sans exception, rêvaient de l’avoir. Tsingory en faisait aussi partie.

(10) C'est ainsi que dans la nuit profonde il se dit : « Si j’attrape l’oiseau du roi, je le ferai chanter et je danserai. ». Son coeur
débordant de désir l’empêcha de dormir.

(12) Notre jeune garçon partit à la recherche de l’oiseau et s’approcha du palais du Roi. Il l’entendait qui chantait tout en voletant. Tsingory le vit et lança une pierre sur lui. L’oiseau tomba à terre évanoui. Effrayé, Tsingory prit la fuite.

(14) Le jet de pierre réveilla les gardes qui se lancèrent à la poursuite de Tsingory. Mais, celui-ci ne put être saisi. Sa mère l’avait caché dans la maison, enroulé dans une natte.

(16) Le lendemain, la grande nouvelle que Tsingory avait lancé une pierre sur l’oiseau du roi, se répandit. Le Roi décida de le faire arrêter. Et la foule se rassemblait déjà devant la maison de Tsingory.

(18) Les musiciens jouaient de divers instruments : flûtes, valiha [instrument à cordes en bambou], tambours, etc…. Les gens chantaient aussi : « Tsingory est-il ici ? Tsingory qui a tué l’oiseau du roi ».

(20) Tsingory brûlait d’envie de danser, en entendant le chant de la foule qui se trouvait dans la cour. Mais sa mère lui défendit de faire le moindre mouvement. « Les gens te tueront, dès que tu sortiras », dit sa mère.

(22) Dehors, la foule n'arrêtait pas de chanter : « Tsingory est-il ici ? le Roi veut le voir tout de suite ». Tsingory, ne pouvant plus résister, sortit et se mit à danser devant la foule.

(24) Lorsque le Roi apprit que Tsingory dansait merveilleusement bien, il le fit appeler. Puis, il  engagea le jeune homme au nombre des danseurs du palais.

(26) Quant à l’oiseau, il revint à la vie. Il chantait et gazouillait si bien qu’il développa encore davantage le talent de Tsingory. Et depuis, le roi passait ses moments de détente à le regarder danser au chant de l’oiseau.

Contes, contes, légendes, légendes !
Moi, je raconte et vous, vous écoutez !

(460) J. (bpr II/15)

 

 

3 - Le riche pêcheur
(Ilay mpanjono nanan-karena)
Un conte de la région de Mahajanga

Texte de Marthe Rasoa, Images de Roddy

(p.4) Un jour, dit un conte sakalava d’Ambongo, il y avait un homme très pauvre. Pour nourrir sa famille, il pêchait à la ligne et au filet, et n’avait pour seule fortune que sa canne à pêche et sa pirogue.

(6) On le voyait au bord de la mer dès les premières lueurs de l’aube et il ne rentrait que la nuit.
Il ne savait pas que tout au fond de la mer, dans les eaux profondes, vivait un peuple dont le roi avait un unique
enfant.

(8) Un jour, la petite fille tomba malade et le guérisseur déclara que, pour recouvrer la santé, il fallait qu’elle mange du riz.
Mais où en trouver pour la soigner ?
Un serviteur du roi accepta d’aller en rechercher. Il monta sur terre et suivit le littoral.

(10) Le pêcheur, lui, s’il consommait habituellement du manioc, mangeait quelquefois du riz qu’il cuisait lui-même.
Le messager du roi vit ceci et  lui en demanda. Le pêcheur lui donna un reste de riz. Et avec ces grains de riz, le guérisseur soigna la petite fille. Il ne lui fallut que quatre jours pour la guérir.

(12) Quelle ne fut la joie du roi et de son peuple! Pour célébrer cette guérison, le roi fit tuer un poulet. Eh oui, les poulets se retrouvent toujours la gorge tranchée quand ils croisent le bonheur des humains. Et de plus, le roi donna l’ordre d’offrir une belle récompense au pêcheur.

14) Le messager repartit. A peine eut-il pris la mer qu’il vit l’hameçon du pêcheur et le saisit immédiatement. Le pêcheur le tira à lui, car il crut avoir pris un gros poisson.
Le messager suivit  l’hameçon et arriva au pêcheur à qui il dit :
« Comment vas-tu, ami ? Le roi voudrait te rendre le bien que tu lui as fait. J’ai utilisé les grains de riz que tu m’as donnés pour soigner sa fille et actuellement, elle est guérie. »

(16) Le pêcheur commença par refuser.
 Mais le messager poursuivit : « Fais en sorte que le roi ne te donne pas de l’argent. Il vaudra mieux pour toi pouvoir comprendre le langage de tous les êtres vivants que Dieu a créés. »
Sur ce, le messager renversa sa pirogue, tira le pêcheur par la main et l’entraîna avec dextérité au fond de la mer.

 

 (18)Le roi fut tout étonné de voir que le pêcheur lui ressemblait : il avait deux yeux, deux oreilles, un nez avec deux orifices. Ce qui le différenciait un peu, c’est qu’il était un humain qui vivait sur terre et se tenait droit, alors que le peuple du fond de la mer se tenait un peu courbé avec des mains qui se balançaient au bout de leurs bras.

(20) Le roi offrit beaucoup d’argent au pêcheur, mais celui-ci refusa.
« Dans ce cas, veux-tu vivre au milieu de tous les êtres vivants et connaître leur langage ? » lui demanda le souverain . « Oui », répondit le pêcheur.
Il retourna dans son village. Se sentant un peu fatigué, il s’allongea sous un manguier
et dormit un peu pour se reposer.

(22) C’est à ce moment là que survinrent deux corbeaux voleurs de maïs et qui se mirent à discuter.
Notre homme allongé sous le manguier fit semblant de dormir pour pouvoir écouter plus longtemps la conversation des deux oiseaux.
Il fit semblant de ronfler en montrant toutes ses dents.
Un des corbeaux dit : « eh, tu as vu quel sommeil le tient. »

(24) Le deuxième corbeau lui répondit :
« Je  sais que c’est un Antendrovolo, un humain des plus rusés de la création de Dieu. Attends, je vais me poser sur son ventre et lui gratter les yeux. »
Le pêcheur saisit le corbeau par surprise et celui-ci dit à son ami :
« Je sais que les humains aiment particulièrement l’argent. Je vais lui indiquer l’argent caché dans des cruches sous le tamarinier qui pousse au nord de son village.

(26) Dès qu’il entendit cela, le pêcheur se mit à sourire et relâcha le corbeau. Arrivé au village, il sortit au petit matin pour aller à l’endroit indiqué à Ambodimadiro, sous le tamarinier, et y vit sept cruches remplies de pièces d’or.
Il prit trois cruches qu’il donna à sa femme. Gâté par la fortune, il se sentit heureux d’avoir autant d’argent et de savoir
en plus le langage de tous les êtres vivants créés par Dieu.

Contes, contes, légendes, légendes !
Moi, je raconte et vous, vous écoutez !
(775) mr XI/14

 

4 – Ravoay, le crocodile et Rakoera, le perroquet

Conte de la région d’Ambanja (Nord-Ouest)

Tiré des « Contes Antakarana », Ed. Foi et Justice


Texte : Myriam Verenako, Images : Patoo

 

(p.4) Un jour, dit-on, chers enfants, vivaient il y a bien longtemps déjà dans la région d'Ambanja, Ravoay le crocodile, et Rakoera ou Raboloky le perroquet.

Ravoay vivait dans l’eau. Sa famille s’agrandit tellement qu' elle eut des difficultés pour se nourrir. Les crocodiles étaient devenus méchants et cruels et mangeaient tous ceux qui s’approchaient de leur territoire, animal ou homme .

Rakoera, quant à lui, habitait sur la terre ferme et vivait en paix avec ses voisins. Il était devenu riche, parce qu’il travaillait beaucoup.

 (6) Se mettre à l’affût au bord de l’eau était la seule occupation de Ravoay. Un jour, il attrapa Rakoera au moment oû celui-ci venait chercher de l’eau. Il ne le dévora pas tout de suite mais l’emmena dans son antre, pour le donner à manger à sa femme et à ses enfants. 

 (8) En chemin, Rakoera essaya d’amadouer Ravoay pour qu’il le libère. En échange, Rakoera  lui donnerait un zébu. Ravoay refusa parce que cela ne pourrait pas le rassasier, lui et sa famille. Rakoera fut obligé d’augmenter son offre en proposant deux zébus, trois zébus… dix, mais Ravoay ne voulait accepter que si Rakoera lui donnait tous les zébus de l’un de ses parcs. Lorsque l'accord fut conclu, Ravoay ramena Rakoera sur la rive. Mais avant de le libérer, il fit promettre à Rakoera qu’il ne renierait pas sa parole.

 (10) Tous les deux rejoignirent chacun sa demeure, Ravoay son antre, Rakoera sa forêt. Une fois rentrés, tous les deux réunirent leurs familles.

La famille de Ravoay était là au grand complet. Il leur raconta l’accord qu’il avait conclu avec Rakoera et termina ainsi : « Soyez fin prêts, demain nous mangerons les bœufs de tout un parc de Rakoera ».

 (12) De son côté, Rakoera claudiquait comme un éclopé à cause de la blessure laissée par la morsure de Ravoay, lors de sa capture. Il n'avait pas l'intention de donner ses bœufs à Ravoay mais, au contraire, il voulait se venger. Il mit au point un plan pour tuer Ravoay et sa famille.

 (14) Le lendemain, dès le lever du jour, la famille de Rakoera se trouva réunie dans la forêt. Rakoera lui-même était allé au bord de la rivière, pour dire à Ravoay et à sa famille de rejoindre la terre ferme non loin de la forêt où il habitait. Mais Ravoay ne répondit pas tout de suite à l’invitation de Rakoera et ne cessait pas de demander des garanties et de proférer des menaces. Lorsqu'il fut convaincu que Rakoera ne le tromperait pas, il sortit enfin de l’eau avec toute sa famille à la queue leu leu.

(16) Quand ils furent sur la terre ferme, Rakoera leur recommanda de se cacher dans les herbes et de se préparer à laapture des zébus, pendant que lui, Rakoera, et sa famille, rabattraient les zébus vers eux.

 (18) Lorsque les crocodiles  se furent bien cachés sous les herbes, une partie des perroquets fit semblant de pousser devant eux des zébus « Hi – hô – ô – ô – ô – hi – hô-ô – ô –ô… »

En entendant les perroquets pousser des zébus devant eux, les crocodiles en furent fous de joie et se tinrent  prêts à attraper et à manger leurs zébus.

 (20) L’autre partie des perroquets vint avec du feu et brûla l’herbe tout autour des crocodiles. Soudainement surpris à la vue de la fumée, les crocodiles s’agitèrent dans tous les sens pour s’échapper. Mais malheureusement, le feu s’étendit si vite qu'aucun d’entre eux ne put se sauver et qu’ils y laissèrent tous leur vie.

 (22) Un seul réussit à sauter et se sauver dans l’eau. Mais tout son dos brûlait ainsi que le dessus de sa tête et de sa queue, si bien qu’il s’agitait furieusement dans l’eau. Quand il eut éteint le feu qui le brûlait, il se mit à réfléchir sur la manière de se venger des perroquets.

 (24) Voilà l’origine de cette peau rugueuse qui ressemble à une cicatrice de brûlure chez le crocodile et dont tous ses descendants héritent de génération en génération. Et depuis ce jour là jusqu’à maintenant, le crocodile est à l’affût et se prépare à attraper le perroquet. C’est pourquoi ce dernier n’ose pas entrer dans l’eau, mais se pose sur les feuilles de ravenala [arbre du voyageur] où il boit de l’eau et prend sonr bain. Au retour du printemps, on entend les perroquets crier : « Hi – hô – ô – ô – ô – hi – hô-ô – ô –ô… »  Ils se souviennent de leur victoire d'alors sur les crocodiles.

 

Contes, contes, légendes, légendes,

Moi, je raconte, vous, vous écoutez

(780) J.

 

5 – Lohanaby-Rien-que-tête

 

Un conte de la région de Farafangana (Sud-Est)

Tiré des Angano Malagasy Nofohazina de Moks Razafindramiandra

Raconté par Nandrasana, dessiné par Roddy

 

(p.4) Il était une fois, dans le sud-est de notre pays, un couple qui avait quatre enfants. L’un d’entre eux était handicapé, il n’avait ni pieds, ni mains, ni corps, il n’était qu’une tête. Aussi l’appela-t-on : «Lohanaby- Rien-que-tête ».
Ses grands frères passaient leur temps à se moquer de lui. Aussi en était-il fort chagriné.

(6) Un jour, il décida d’aller voir Zanahary [dieu créateur traditionnel des malgaches], pour lui demander de l’aider. Lohanaby- Rien-que-tête roula sur lui-même, puisqu’il n’avait pas de pieds pour marcher. Après avoir roulé assez longtemps, il rencontra une vieille femme. Celle-ci lui demanda, où il comptait aller ainsi.
« Je vais essayer de voir Zanahary", lui répondit-il, "car je voudrais bien qu’il me change. »

(8) La vieille femme eut pitié de Lohanaby-Rien-que-tête, et lui donna quelques conseils sur la conduite à tenir devant Zanahary.
« Ne t’assois jamais sur la chaise en or où il t’invitera à prendre place, ne mange pas non plus dans l’assiette en or qu’il te présentera et ne dors pas dans le lit en or qu’il t’indiquera. Il y a chez lui, de l’eau qui peut métamorphoser les hommes, mais sache rester humble, si tu veux changer".

(10) Lohanaby poursuivit sa route.  Au bout d’une semaine, il arriva chez Zanahary. Le chien de Zanahary aboya de toutes ses forces quand il le vit, mais Lohanaby- Rien-que-tête n’en eut cure. Il entra chez Zanahary. « Je sais pourquoi tu es là », lui dit celui-ci. On le fit entrer et on lui demanda de s’asseoir sur une chaise en or, mais Lohanaby déclina l’offre. « Laissez-moi m’asseoir par terre, sur le seuil de la porte », répondit-il.

 (12) On lui offrit ensuite à manger dans une assiette en or. « Je ne mangerai pas dedans, Seigneur, » répondit-il, « donnez-moi une assiette simple. »
La nuit,  on lui proposa  un lit en or, mais il refusa encore. «  Je vous remercie infiniment, mais je suis habitué à dormir sur une natte, c’est ce qui me convient » ajouta-t-il.  

(14) Au matin, Zanahary lui demanda l’objet de sa visite. « Vous avez fait de moi un  être informe, Seigneur, et à cause de cela, ma vie est un véritable enfer. Je ne suis qu’une tête, sans pieds, sans  mains, sans corps, vous ne m’avez donné que des dents pour manger. »
« C’est vrai » lui répondit Zanahary. « J’ai du être distrait quand je t’ai fait. J’avais trop de travail quand je t’ai fabriqué, je n’ai terminé que ta tête. Attends, je vais t’arranger cela. »

 (16) Zanahary lui demanda de plonger trois fois de suite dans un étang proche. Dès le premier plongeon, Lohanaby- Rien-que-tête eut des mains, un ventre et une poitrine. Il plongea une deuxième fois et eut des pieds et un corps entier. Et au troisième plongeon, il devint un très beau jeune homme bien fait de sa personne.

(18) Il revint chez lui. Quelle ne fut la surprise de ses parents et de ses trois frères, en le voyant, eux qui s’étaient bien moqués de lui! Ses parents rendirent grâce à Dieu. Et quant à Lohanaby- Rien-que-tête, il n’hésita pas à raconter les détails de son voyage, quand ses trois frères le lui demandèrent.
« Nous aussi, nous irons là-bas », dirent ceux-ci, fous de jalousie.

(20) Et les voilà en route. Ils croisèrent la vieille femme, mais ne daignèrent point la saluer. Elle non plus  ne leur dit quoi que ce soit.
Ils arrivèrent quand même chez Zanahary.

 (22) Zanahary les fit entrer chez lui, leur montra à tous trois, trois fauteuils en or, dans lesquels ils s’assirenäöYYt sans se poser aucune question. Puis, on les servit dans trois assiettes en or, et ils mangèrent sans aucune hésitation. Zanahary, lui, restait silencieux.
La nuit tombée, il les fit dormir dans des lits en or, ce qu’ils firent sans aucun problème, comme si cela allait de soi.

(24) Au matin, Zanahary leur demanda l’objet de leur visite. « Nous trois aimerions devenir plus beaux que ce que vous avez fait de nous actuellement, Seigneur, et plus beaux que notre petit frère ».

(26) Zanahary les emmena à l’étang qui métamorphose les hommes et leur demanda de plonger trois fois dedans.
Dès le premier plongeon, leurs bouches s’allongèrent. Au deuxième plongeon, quatre pattes leur poussèrent, et au dernier plongeon, leurs corps se recouvrirent de poils. Ils étaient devenus des chiens qui aboyaient. Zanahary les chassa en leur disant : « Allez vous en, vous avez ce que vous vouliez. »
Tandis que Lohanaby- Rien-que-tête, lui, était devenu un homme qui vécut heureux avec ses parents.

Contes, contes, légendes, légendes,

Moi, je raconte, vous, vous écoutez

(795) mr XI/14


 

6 – Mes chansons - nos chansons, chers enfants

(Hirako - Hirantsika rankizy)

Selectionné par Basilisse P-R, dessins de Rainforest

 

 

(p.4)      Ô pleine lune  (Diavolana)

Ô claire, pleine lune du soir

Tu n’es jamais fâchée mais toujours souriante

/ Les gens de Befelatanana [quartier de Tananarive]

te demandent le passage /  (bis)

 

(p.6)      L’aurore se pointe (Le soleil se lève) à l’Est (Mazava atsinanana)

/Le soleil se lève à l’Est

                chez nous ! / (bis)

                Ce jour, je passe la nuit ici

                Demain, je pars de bon matin

                Hé ! Ma chère Raivo

                Nous pourrons être ensemble

 

                /Ô Roseau solitaire !

                Aux bords du Lac Anosy !/ (bis)

                Marchons ensemble !

                La soirée est belle !

                Hé ! Ma chère Raivo

                Nous pourrons être ensemble

 

(p.8)      Les Pangalanes

Regardez, l’eau est propre et limpide

                Aux Pangalanes, lieu de détente

                Pagayez, les gars,

                Notre pirogue, les gars,

                Va à la pêche

                Pagayez, les gars, pagayez.

 

                Regardez les poissons dans l’eau

Aux Pangalanes, ils passent leur temps à s’amuser

                Pagayez, jeunes gens,

                Notre pirogue, jeunes gens,

                Va à la pêche

                Pagayez, jeunes gens, pagayez

 

(p.10)    Madame Rose (Viavy Raozy)

Madame Rose, Madame Rose

                Belle dame

                Je ne vous lâcherai pas

                Où étiez-vous donc depuis hier

                Je ne vous ai pas vue

                Où étiez-vous donc depuis hier

                Vous n’avez pas entendu

                Nos voix cette nuit.

                Répondez donc,

                Ô belle dame !

 

                Quelle femme

                Madame Rose est-elle

                Belle femme

                Nous ne la lâcherons pas

                Nous ne l’avons pas lâchée depuis hier

                E,e,e 

                Nous ne l’avons pas lâchée depuis hier

Vous n’avez pas entendu nos voix cette nuit

                Répondez donc

                Ô belle dame !

 

(p.12)    Raivo

                Hé, Raivo é ! Ô Raivo ô!

                Tu me coupes le souffle, ô Raivo !

                Bienvenue à toi

                Qui viens de loin

                Hé, petite Raivo e !

                Bienvenue à toi

                Qui viens de loin

                Hé, Raivo petite jeune fille !

                Bienvenue à toi

                Qui viens de loin

                Hé, Raivo que j’aime

                Bienvenue à toi

                Qui viens de loin

                Hé, Raivo e :

 

(p.14)    Les oiseaux   (Ny Vorona)

Dans la forêt, de nombreux oiseaux

                Beaux oiseaux, oiseaux des forêts,

                Vous êtes ravissants

Le martin pêcheur y vit, bel oiseau bleu

                Bleu et beau, beau et bleu

                Il est ravissant

Le foudy [tisserin fody] y vit, bel oiseau rouge

                Rouge et beau, beau et rouge

 Il est ravissant.

 Les perruches sont nombreuses,
                oiseaux verts et beaux

                Verts, beaux et brillants,

                elles sont ravissantes

Le drongo y vit, oiseau à la voix sublime

                Voix sublime, sublime voix

                Il est ravissant

Y vit même le coucou à la voix rauque

                A la voix rauque, à la rauque voix

                Mais dont on ne se lasse pas

Acceptez, oiseaux des forêts, d’être nos amis

                Belles demeures, beaux repas

                En abondance vous aurez.

Non, mon ami, merci à vous

                Oiseaux des forêts, nous préférons être

                Y errant à volonté

 

(p.16)    Danse, ô crécerelle [faucon]
(Mandihiza Rahitsikitsika)

Danse, ô Crécerelle (bis)

                Nous allons l’apprendre  (bis)

Danse, ô Crécerelle

                Nous allons l’apprendre au temps de la

                moisson

Danse, danse.

Danse, ô Crécerelle

Danse au-dessus de Mahamasina

                Pour la joie de Manjakamiadana

Danse, ô Crécerelle

                Nous allons l’apprendre au temps de la

                moisson

                Danse, danse

Danse, ô Crécerelle

 

(p.18)    Trop petit encore   (Mbola bitika)

                Trop petit encore (bis)

                Tu es encore trop petit, mon bébé

 

                Trop jeune encore

                Tu es encore trop jeune, mon enfant

                Trop jeune encore

 

                Petit, encore trop petit

                Trop jeune encore, trop jeune

                Trop petit encore, trop petit encore

                Tu es encore trop petit, mon bébé

                Tu es encore trop jeune, mon enfant

 

                Ô ! Ralila ô !

Ô ! Ralila ô ! (bis)

                Allons rentrer, ô Ralila !

                Il fait nuit, ô Ralila !

                Papa va nous gronder, maman va nous gronder.

<

(p.20)    Enfants propres (Zaza madio)

Enfants qui se lavent les mains,

                Nous avons les mains propres

                Enfants qui se lavent les pieds,

                Nous avons les pieds propres

                Enfants qui se lavent les oreilles,

                Nous avons les oreilles propres

                . . . .

(On continue en montrant au fur et à mesure les parties concernées du corps.)

 

(p.22)    Le voilà (mon enfant), ô toi, oiseau d’ailleurs  (Iny hono izy ravorom-bazaha)

                Le voilà, ô toi, oiseau d’ailleurs 

                Emmène-le, dans les champs

                S’il pleure, console-le

                Quand il sera calmé, ramène-le

                ô, ô, ô, ô !

Le voilà, ô toi, oiseau d’ailleurs 

                Vole avec lui vers les champs

                Emmène-le au firmament

                Quand il sera calmé, ramène-le

                ô, ô, ô, ô !

 

(p.24)    Le village est-il déjà au lit ? (Mandry ve ny ao an-tanàna)

                Le village est-il déjà au lit ?

                Le village s’est déjà endormi, ô !

                Le village est-il déjà au lit ?

                Le village s’est déjà endormi i a o o, i a o

                Réveillez-vous, on va jouer, e

 

(p.24)    On vient chercher (Avy mangataka)    

(2 groupes alignés en face, séparés par une ligne au sol)

1-      On vient chercher … (bis)

2-      Vous venez chercher qui ? (bis)

1-      On vient chercher ..[nom, p.ex.: Soa] (2x)

2-      Qui va la prendre ? (bis)

1- [nom, p.ex.: Naivo] va la prendre (bis)

2- A quelle heure est le rendez-vous ?(bis)        1- Le-rendez-vous est à 8 heures  (bis)

        2- Confirmez votre décision (bis)

        1-  Notre décision est prise (bis)
        (Ensemble) Celui qui est fort est comme une cacahuète verte, celui qui est faible est
comme un caméléon.
Ensemble les joueurs crient : Un, deux, trois

et essaient de tirer ceux d’en face, l’un après l’autre, dans leur camp.

 

(p. 26)   Où est-il donc le malabary

[=longue chemise de tissu imprimé porté par les hommes sur les Hauts-Plateaux]

[chanson des scouts]

Où est-il donc le malabary, cadeau de grand-père ? (bis)

Malabary long et couvert d’images

Refrain : Regardez donc

                Regardez donc, combien on est contents

                du cadeau

                Regardez donc aussi combien grand-père

                est content

Où est-il donc le pagne de coton, cadeau de

grand-père ? (bis)

                Pagne de coton enchanteur

                Malabary long et couvert d’images

Refrain : Regardez donc, combien on est contents

du cadeau

                Regardez donc aussi combien grand-père

                est content

Où est-elle donc la ceinture de corde, cadeau de

                grand-père ? (bis)

                Ceinture de corde infiniment longue

                Pagne de coton enchanteur

                Malabary long et couvert d’images

Refrain : Regardez donc, combien on est contents

                du cadeau

                Regardez donc aussi combien grand-père

                est content

 

 

(1020) J.

 

 

 

 

 

7 - Les trois sœurs qui ont épousé des fauves

 

(Izy telo mirahavavy nanambady fosa)

 

Texte: Ny Eja, Images: Rainforest

 

(4) Il était une fois, dans un village du sud-est de Madagascar, trois sœurs; l’aînée s’appelait Ravavimatoa  , la cadette Ravaviaivo et la benjamine Rafaravavy. Elles avaient aussi un petit frère, nommé Ifaralahy.
Ces trois jeunes femmes fières, voire orgueilleuses refusaient tous les hommes qui venaient les demander en mariage. Elles ne voulaient, pour époux, disaient-elles, que des hommes beaux, bien faits de leurs personnes et riches de surcroît.

 

 (6) Un jour, trois hommes se présentèrent pour les demander en mariage, tous forts élégants et très beaux. Ils avaient vraiment de superbes vêtements.  Les trois jeunes femmes en tombèrent immédiatement amoureuses. Et sans aucune hésitation, elles acceptèrent de les suivre.

 

 (8) Quand il vit que ses sœurs partaient pour se marier, Ifaralahy insista pour les suivre et leur dit :
  « Emmenez-moi avec vous, là où vous allez. »
Ravavimatoa, l’aînée, refusa et lui dit :
 « Notre route sera longue, tu ne pourras pas la faire, petit frère. »
Mais il insista et les suivit quand même.

 

 (10) En chemin, un peu plus loin, les trois époux déclarèrent :
 « Pour l’instant, restez là, nous allons chercher à manger pour vous. »
Ifaralahy vit que les oreilles des trois hommes étaient fort longues. Aussi dit-il à ses sœurs :
 « Vos époux ne sont pas des hommes, mais des fosa. » [félins carnivores, comme les pumas]. 
Mais les trois sœurs refusèrent de l’écouter.

 

 (12) Ils n’arrivèrent à destination qu’en fin d’après-midi. La nuit tombée, alors qu’ils étaient tous en train de dormir, les trois hommes interpellèrent les jeunes femmes :
 « Dors-tu Ravavimatoa, l’ainée ? »
 « Dors-tu Ravaviaivo, la cadette ? »
 « Dormez-vous Rafaravavy, la benjamine et Ifaralahy, le petit dernier ? »
Ifaralahy répondit :
 « Nous ne dormons pas, car nous sommes un peu inquiets. Les fourrés sont trop touffus et il y a beaucoup de bêtes sauvages ici. »

 

Les trois compères se mirent à élaguer les arbustes. Les trois sœurs virent alors que chacun d’entre eux avait une longue queue. C’est là qu’elles comprirent qu’effectivement, leurs époux n’étaient pas des humains.
Aussi, les trois sœurs et leur petit frère cherchèrent-ils tous les moyens pour se sauver.

 

 

 

(14) En pleine nuit, les trois compères reprirent leur appel :
 « Dors-tu Ravavimatoa, l’ainée ? »
 « Dors-tu Ravaviaivo, la cadette ? »
 « Dormez-vous Rafaravavy, la benjamine et Ifaralahy, le petit dernier ? »

 

Mais personne ne répondit à leur appel.
Les trois fosa se précipitèrent dans la chambre pour dévorer les jeunes gens… Mais… A leur grande surprise, sur la natte où le frère et ses sœurs devaient dormir, gisaient quatre troncs de bananiers.

 

 (16) La rage et la colère des fosa fut à son comble. Ils se ruèrent dehors pour aller à la recherche des sœurs et de leur frère. Ils étaient tellement hors d’eux qu’ils ne virent pas le grand trou dans la cour, tombèrent tous les trois dedans et eurent tout le mal du monde pour en sortir. Pendant ce temps, les trois sœurs et leur frère purent aller loin.
Les fosa coururent tant qu’ils purent pour les rattraper.

 

 

 

(18) Quand ils virent que les fosa s’approchaient d’eux, les quatre jeunes gens grimpèrent sur un grand arbre. Arrivés au pied de l’arbre, les animaux essayèrent de grimper à leur tour, mais les jeunes gens les repoussèrent en frappant avec de grosses branches. Pour parer les coups, les animaux allèrent chercher de gros bâtons.
Profitant de ce moment, les jeunes gens descendirent de l’arbre à toute vitesse.

 

 (20) Un peu plus loin, ils butèrent contre une grosse pierre, s' assirent dessus et dirent :

 

 « Ô grosse pierre, élève-toi, monte, monte, deviens un rocher, les fosa sont derrière nous, ils nous poursuivent pour nous dévorer. »

 

La pierre se mit effectivement à grandir, grandir, grandir, les trois sœurs et leur petit frère juchés sur son sommet.

 

 (22) Très vite, les trois animaux arrivèrent au pied du rocher. Ils appelèrent les quatre jeunes gens d’un ton mielleux : « Nous n’allons vous faire aucun mal, venez nous rejoindre. »
Ifaralahy leur répondit : « Bien, nous allons sauter. »
  Fous de joie, les fosa  ouvrirent très grand leur gueule, espérant ne faire qu’une bouchée de leur proie. Ifaralahy fit glisser des grosses pierres brûlantes qu’il avait préparées. Les trois animaux les engloutirent et moururent aussitôt.

 

 (24) Quel ne fut le bonheur des trois sœurs ainsi sauvées.!Elles dirent à leur petit frère :
 « Merci  Ifaralahy, heureusement que tu nous as suivies; sans toi, ces maudits fosa nous auraient tuées. »

 

 (26) Ifaralahy et ses trois sœurs rentrèrent sans encombre chez eux et racontèrent ce qui leur était arrivé. Les parents furent heureux que leurs enfants aient pu échapper aux animaux féroces.
A partir de ce moment-là, les trois sœurs changèrent du tout au tout. Devenues gentilles et sociables, elles trouvèrent bientôt des maris tout à fait dignes d’elles.

 

Contes, contes, légendes, légendes,

 

Moi, je raconte, vous, vous écoutez

 

(830) mr

 

 

 

 

 

8 – Imaitsoanala
Un conte Sakalava

 

Texte de Nandrasana, images de Patoo

 

 

 

(4) On raconte, que, dans les temps anciens, fort anciens,  Maman-Ivorombe, l’ oiseau géant, construisit  son nid sur un îlot. Elle y déposa ses œufs pour les couver. L’un d’entre eux n’ayant pas éclos, elle demanda à Iangoria, sa servante, de le mettre de côté, car elle pensait le manger. 
Un peu plus tard pourtant, l’œuf vint à éclosion et quelle ne fut la surprise et le bonheur  d’Ivorombe! une petite fille était apparue qu’elle appela Imaitsoanala. A partir de ce moment, Ivorombe se mit en quête de tout ce qui existait de plus beau pour sa fille.

 

(6) A chaque fois qu’elle partait à la chasse, Ivorombe avait peur que quelqu’un ne lui vole son enfant. Aussi à peine arrivait-elle dans leur cour qu’elle se mettait à l’appeler en chantant :
« Il y a une odeur d’homme, il y a une odeur d’homme »
Or, un jour,  parait-il, Andriambahoaka, le Seigneur du Nord, accompagné de ses serviteurs, passa devant l’ile d’Ivorombe.

 

(8) Il fut tout surpris de voir l’enfant et demanda à Iangoria : « qui est cette enfant si mignonne et si potelée ? Je voudrais la prendre pour épouse, quand elle sera plus grande. »
Ingoria lui répondit : « c’est la fille d’Ivorombe, Mon Seigneur ! Sa mère est terrible. Moi, à votre place, je m’enfuirais très vite, car c’est l’heure de son retour. Et puis, cette enfant est trop jeune pour se marier ».
Sur ces mots, Andriambahoaka rentra chez lui.

(10) De retour dans son palais, il raconta à ses épouses la merveilleuse rencotre qu’il avait faite, et décida de demander Imaitsoanala en mariage plus tard, quand elle sera en âge de se marier.
La première et la deuxième épouse, ainsi que tous ses sujets lui donnèrent leur bénédiction et lui dirent :
« Puissiez-vous arriver à ce que désire votre cœur, ô Seigneur. Puissiez-vous avoir la force d’atteindre les sommets, pour pouvoir vieillir en paix avec votre peuple. »

 

(12) Quand, plus tard,  il revit Imaitsoanala, il lui tint de belles et douces paroles, dit-on, et lui déclara :
« Gente demoiselle ! Mon amour pour vous est tellement grand que je voudrais vous avoir pour épouse. Qu’en pensez-vous ? »
Imaitsoanala lui répondit : « Je vous remercie, Mon  Seigneur, pour ces belles paroles, mais il vaut mieux renoncer, car jamais vous ne pourrez vivre avec ma mère. »

 

 (14) « C’est un oiseau terrible qui  m’a mise au monde » ajouta-t-elle, « comment Votre Majesté  pourrait-elle être le gendre d’un oiseau et vivre avec lui ? »
Mais le Roi s’entêta. Il était capable de supporter tout ce qui pourrait arriver, déclara-t-il et il ajouta : « Cela n’a aucune importance, ma douce amie. Je vous aime tellement que rien ne me fait peur. »
Iangoria, la servante,  le supplia d’attendre Ivorombe, mais hélas, par respect pour lui, elle dû céder et Andriambahoaka  prit Imaitsoanala avec lui.

 

(16) Ivorombe bondit et vola aussi vite qu’elle put, quand elle vit que son enfant n’était plus à la maison. Or Imaitsoanala et Andriambahoaka avaient déjà préparé des grains de riz, du maïs et des haricots avant de partir. Ils ordonnèrent aux serviteurs de les répandre tout au long du chemin, à l’approche d’Ivorombe, pour détourner l’attention de celle-ci. Et Madame l’oiseau se mit à ramasser, indignée par ce gaspillage et par le comportement de sa fille.
« Mais comment peuvent-ils jeter ainsi du riz aussi précieux. Et de plus, ils m’abandonnent, sans me demander aucune permission, moi qui ai donné le jour à ma fille. »
En attendant, Andriambahoaka et Imaitsoanala arrivèrent chez lui où une foule immense les attendait.

 

(18) Un jour, sa mère vint rendre visite à Imaitsoanala et  montra combien elle pouvait être méchante. Ivorombe arracha à sa fillel es yeux et la peau, les emporta avec elle et les posa au-dessus du foyer. Imaitsoanala devint la risée de ses rivales qui la traitèrent de tous les noms.
« Regardez-moi cette espèce de tas d’os, qui, de plus, a des poches vides à la place des yeux.  S’il la prend pour épouse, il faudra que cette créature partage toutes les tâches avec nous». Après cela, ses rivales lui apportèrent du jonc très fin pour tresser des nattes. Imaitsoanala, impuissante et désespérée devant cette situation, éclata en sanglots.

 

(20) Alors qu’elle cuisait du riz, Ivorombe vit les larmes de sa fille inonder son foyer et noyer son feu. Aussitôt, elle se dit : « Je vais aller voir ma fille, car j’ai dû exagérer, c’est trop dur ce qu’elle vit, c’est pour cela qu’elle pleure autant. »
Quand sa mère arriva auprès d’elle, Imaitsoanala lui raconta ce qui lui arrivait. Ivorombe eut pitié d’elle et  tressa sa natte.

 

(22) La colère des premières épouses d’Andriambahoaka en fut plus grande et elles apportèrent d’autres ouvrages à Imaitsoanala. Celle-ci pleura encore davantage et sa mère vint de nouveau l’aider.
Les deux méchantes épouses du Roi furent hors d’elles et lui dirent : « Ainsi donc votre dernière épouse bien-aimée n’est qu’un rejeton d’oiseau ? Nous voulons une confrontation, car nous avons honte d’entendre la foule dire qu’elle est belle, alors que ce n’est qu’un tas d’os avec des poches vides à la place des yeux. »
Le Roi accepta, car il ne put résister à l’obstination des deux femmes.

 

(24) Ivorombe prépara minutieusement sa fille. Elle lui remit sa peau et ses yeux, lui apporta  beaucoup de bijoux en or, une superbe toge et d’autres accessoires somptueux.
La foule se rassembla en très grand nombre.
On fit venir les trois épouses et on les fit avancer sur la place publique. La première épouse et sa cadette arrivèrent, tête haute et fort orgeilleuses, et s’installèrent sur le coin est de la place.
Imaitsoanala, elle, entra par le côté nord, entièrement recouverte.

 

 

 

(26) Elle dévoila son visage ! Et toute la population s’exclama en voyant sa beauté.

 

Les deux autres femmes se firent huer et de honte,  quittèrent le village à toute vitesse.

 

Andriambahoaka le Roi, fou de joie, ramena Imaitsoanala chez lui. Dorénavant, celle-ci sera son unique épouse.

 

Plus tard, ils mirent au monde un enfant qu'ils appelèrent aussi Andriambahoaka, du nom de son père, car lil héritera du royaume.

 


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Moi, je raconte, vous, vous écoutez

 

(1050) mr XI/14 (bpr)

 

9 – Goa et Kepeke
(I Goa sy i Kepeke)

 

De la collection Simeon Rajaona,
  Texte: Ravalitera, Images: Antso Andrianary

 

 

 

(4) Il était une fois, dans le pays Antandroy, deux hommes, handicapés tous les deux. L’un était aveugle, mais avait toutes ses forces. Il se nommait Goa. L’autre était invalide, mais voyait très bien et était extrêmement intelligent. Il se nommait Kepeke. 

 

(6) Un jour, dit l’histoire, ils se rencontrèrent et s’entendirent fort bien. C’est Kepeke, qui, le premier engagea la conversation, car il vit et comprit très vite qui et comment était Goa.

 

(8) « Je me nomme Kepeke », dit-il. « Je ne peux marcher et suis obligé de me traîner. Je vois que toi, tu es aveugle, pourquoi ne pourrions-nous être amis tous les deux ? Nous allons travailler ensemble, moi je te montrerai le chemin, et toi tu me porteras sur ton dos. »
« D’accord », lui répondit l’aveugle.
Goa prit Kepeke sur son dos et  ils parcoururent ainsi monts et vallées.

 

(10)  « J’ai faim », déclara Kepeke. « Regarde là-bas, il y a un champ de maïs. Je vais t’y emmener et nous allons y prendre beaucoup d’épis de maïs que nous allons griller. »
Très vite, ils en eurent beaucoup, Goa marchant dans le champs et Kepeke cueillant les épis murs. Leur cueillette accomplie,  ils s’enfuirent très vite, mais quelqu’un les vit et les dénonça au propriétaire.

 

(12) Celui-ci appela le fokonolona [les gens du village] et on les amena devant le vieux chef du village pour être jugés comme voleurs. « Si on en croit la dénonciation, ces deux hommes sont accusés de vol », déclara celui-ci. Et se tournant vers eux, il leur demanda : « que pouvez-vous nous dire pour votre défense, pour ne pas être accusés à tort ? »

 

(14) « Et pouvez-vous jurer que vous n’êtes pas des voleurs ? »
« Nous le jurons.» dit Goa « Comment aurais-je pu voir  ce champ. »
« Que je sois maudit si j’ai touché un seul de ces épis, et damné si mes pieds ont foulé ce champ », ajouta Kepeke.
La foule s’exclama et déclara que les deux hommes avaient raison. Et c’est ainsi qu’ils furent libérés.

 

(16) Une fois libérés, ils se mirent à errer à droite et à gauche. C’est là qu’ils rencontrèrent une vache sauvage. Ils s’approchèrent d’elle, Kepeke porté dans le dos de Goa qui marchait.
Kepeke caressa la vache sur le ventre, près de sa cuisse, et celle-ci s’allongea par terre en signe de bonheur et de soumission. Kepeke l’attacha avec une bonne corde de fibres et l’emmena avec eux.
Ils se congratulèrent de bonheur, car ils étaient devenus riches.

 

(18) Un peu plus tard, Kepeke vit que la vache attendait un petit, et il décida de tromper Goa.
« Laisse cette vache pour moi », lui dit-il,  « quand on en verra une autre, elle sera pour toi. »
« C’est hors de question », lui répondit Goa, « la vache m’appartient, car si je ne t’avais porté sur mon dos, même si tu l’avais vue, tu n’aurais pu l’avoir. »
« La vache m’appartient, car je fus le premier à l’avoir aperçue » répliqua Kepeke.
De nouveau, ils durent appeler un juge.

 

(20) La foule et le juge se rassemblèrent.
« Entendez-vous », dit le juge. Cette vache attend un petit. C’est votre bien commun. Attendons qu’elle vêle. Peut-être aura-t-elle des jumeaux, comme cela vous en aurez un chacun. Ou alors l’un d’entre vous aura le premier veau né et l’autre le suivant. »
« Le premier né des veaux sera pour moi », dit Kepeke avec empressement.
« C’est hors de question », répliqua Goa, « le deuxième sera le tien. »

 

(22) Le juge essaya de calmer leur bagarre, mais aucun des deux ne voulut céder.
Goa tenta de jeter Kepeke par terre, mais celui-ci s’accrocha de toutes ses forces au dos de son porteur.
Quelles ne furent les exclamations de la foule en les voyant!

 

(24) « Dans ce cas, puisque vous êtes incapables de vous entendre, c’est ce javelot aux deux bouts pointus qui déterminera qui sera le vainqueur. Vous  prendrez le bout le plus proche de vous et vous essayerez de percer votre adversaire. Celui qui en sortira vivant sera le vainqueur.
« Eh, dit Goa, je suis aveugle, il va me tuer »
« Moi, je suis invalide dit Kepeke, je ne pourrais rien faire contre sa force, j’ai perdu d’avance. »
« Puisque vous ne pouvez-vous entendre, la vache deviendra donc la propriété du village » décida le juge.
La foule s’exclama de joie, et les deux lascars se mirent à avoir peur.

 

(26) « La vache nous appartient » dirent-ils ensemble tous les deux.
« Dans ce cas, entendez-vous », répondit le juge.
« Mais pourquoi nous disputons-nous, » reprit Goa. » Je suis aveugle et j’ai besoin de toi pour guider ma route »
« C’est vrai », lui répondit Kepeke. « Tandis que moi, je suis invalide et j’ai besoin que tu me portes sur le dos. »
Les deux hommes se serrèrent la main et jurèrent de s’aimer et de s’entraider, car ils ne pouvaient s’en sortir seuls.
La foule poussa des cris de joie.

 

 

 

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(885) mr

 

 

 

 

 

10 - Soamandranovola et Grand Crocodile

 

(Soamandranovola sy Ravoaibe)

 

Un conte Antaimoro (Sud-Est)

 

 

 

Texte : Ratsifa, Images : Ramika

 

 

 

(4) Autrefois, chers enfants, selon un conte recueilli en pays Antaimoro, il n’y avait pas de pirogue à Madagascar et on se servait de crocodiles pour traverser les cours d’eaux. On raconte qu’une princesse, du nom de Soamandranovola, s’apprêtant à traverser une rivière avec une amie, appela Grand Crocodile.

 

(6) Le crocodile vint et elles s’assirent sur son dos. Au cours de la traversée, la princesse ne put retenir sa langue et dit : « Le crocodile sent mauvais, le crocodile sent mauvais. » Son amie la pria de ne pas parler ainsi, mais celle-ci continua: « Non, mais cela sent vraiment trop mauvais ! »

 

(8) Au retour, dit-on, le crocodile empêcha la princesse de partir. « Celle-ci reste, son amie peut partir. » . Très en colère, il s’empara de Soamandranovola et l’entraîna petit à petit sous l’eau. La princesse eut peur :
« O Père Grand Crocodile, mes pieds se mouillent !
O Père Grand Crocodile, ma poitrine se mouille ! »
(10) “O Père ! ma bouche se mouille!

 

Ma tête va couler! Elle n’a pas encore coulé mais elle va couler!”

 

Grand Crocodile était en colère, il cacha la jeune fille dans une grotte. Tout de suite après, il sortit  pour inviter ses enfants et petits-enfants à manger sa proie.
(12) Mais avant que Grand Crocodile ait réuni ses enfants et petits-enfants, voilà qu’un bœuf passa au-dessus de la grotte, qui céda sous son poids, si bien que Soamandranovola put saisir le pied du bœuf et réussit à sortir. Elle grimpa ensuite dans un grand arbre et s’y cacha.

 

 (14) « Amenez-là ici », gronda Grand Crocodile, « car elle est dans cette grotte. » On envoya les serviteurs qui ne trouvèrent rien, puis les grands dignitaires qui revinrent également bredouilles. Ils fouillèrent partout dans la grotte mais furent déçus.
« Où est-elle partie ? » demanda Grand Crocodile. On ouvrit complètement la grotte, mais Soamandranovola n’y était plus. Les enfants et petits-enfants entrèrent dans une colère si grande que Grand Crocodile fut obligé de se sacrifier pour leur servir de repas.

 

 (16) Pendant ce temps, le roi fut très inquiet de l’absence de son enfant. – « Où peut-elle bien être ? » L’amie de Soamandranovola répondit : « Nous étions ensemble mais, ne pouvant retenir sa langue, votre fille avait dit que le crocodile sentait mauvais, si bien qu’au retour Grand Crocodile s’empara d’elle et lui interdit de partir.

 

 (18) Le roi envoya de nombreux serviteurs à la recherche de Soamandranovola : ils cherchèrent partout mais ne la retrouvèrent pas. Pendant ce temps, du haut de l’arbre, Soamandranovola demandait à tous les oiseaux qui passaient de la transporter chez ses parents.

 

 (20) Monsieur Corbeau passa mais refusa, parce qu’on le maudissait quand il donnait un coup de bec dans une racine de manioc. Monsieur Fody [Fody, espèce de tisserin] dit également non, parce qu’on le chassait quand il picorait les grains de riz. Vint le tour de Monsieur Vorondreo [=Courol]: « O Monsieur Vorondreo, ramène-moi chez mon père et ma mère, je te donnerai trois sacs de nourriture ! » Et Monsieur Vorondreo s’arrêta puis accepta de la transporter.

 

 (22) Vorondreo et Soamandranovola survolèrent plusieurs villages. On entendait la belle voix de Monsieur Vorondreo chanter : « Créou, créou, ô parents de Soamandranovola ! Voilà longtemps qu’elle avait été enlevée par le crocodile. » Et ils poursuivirent leur vol. – « Créou, créou, ô parents de Soamandranovola, votre fille avait été retenue longtemps par Grand Crocodile ! »

 

 (24) Une vieille femme qui se chauffait au soleil à l’écart du village entendit cette voix ; elle appela le roi. Et le roi vint pour écouter avec elle. « Créou, Créou ! ô parents de Soamandranovola ! » - « Faites-la descendre ici, faites-la descendre ici ! Papa est ici, Maman est ici ! », s'écria le roi. Et on vit Monsieur Vorondreo descendre avec Soamandranovola.

 

 (26) Le roi était au comble de la joie de voir son enfant bel et bien vivante.

 

- Nous vous remercions beaucoup, Monsieur Vorondreo, que Dieu vous récompense de ce que vous avez fait pour nous », dit le roi en lui offrant les trois sacs de nourriture promis. Le roi fit tuer  dix bœufs qu'il offrit en sacrifice au fleuve, parce que sa fille avait vraiment failli mourir. Ensuite, il invita les habitants du village à se réjouir et à  fêter joyeusement le retour de sa fille avec la famille.

 

 

 

Contes, contes, légendes, légendes

 

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(760) J., bpr, pfw II-15

 

 

 

11 – Le Pic-Vert et la Chouette

 

(Rakatabola sy Renimborondolo)

 

Tiré des « Contes Antakarana » Ed. Foi et Justice
Raconté par Michèle Rakotoson, dessiné par Patoo

 

(p.4) Un jour, parait-il, là-bas, dans le nord de notre pays, le Pic-Vert [ombrette] et la Chouette parièrent à qui ferait le meilleur nid.

 

En un rien de temps, le Pic-Vert termina le sien… mais en un éclair Madame la Chouette s’y installa et ne voulut plus en partir.

 

 (6) Le Pic-Vert, poussa des cris, supplia, gémit :

 

Moi le Pic-Vert, plein de malice,  on m’a volé mon nid,

 

Madame la Chouette m’a piqué mon nid

 

Je suis le Pic-Vert, sans plus aucun nid.

 

(8) Le Pic-Vert était encore fort mélancolique, quand passa le Corbeau.

 

« Que t’arrive-t-il, ami », lui demanda-t-il, « pourquoi ne t’es-tu pas  occupé de ta rizière et pourquoi  n’as-tu pas consolidé ta digue ? »

 

Le Pic-Vert, dit-on,  lui répondit en pleurant :

 

« Je me suis fait avoir , moi le Pic-Vert, plein de malice. Madame la Chouette s’est glissée dans mon nid et ne veut plus s’en aller. Si tu arrives à l’en déloger, je te donnerais un œuf. » 

 

« Qu’à cela ne tienne », croassa le corbeau, « tu verras ce que tu verras, je vais m’en occuper. »
(10) Mais dès qu’il s’approcha d’elle, Madame la Chouette roula des yeux furibonds et se mit à siffler :

 

 Moi la Mère Chouette,

 

Quand je regarde le ciel, il se fracture,

 

Quand je regarde la terre, elle se dévaste

 

Ah pffffffffffffouuuuuuuuuuuuuuu

 

 En un éclair, le Corbeau s’est enfui à tire d’ailes, tout en croassant : « Croyez moi, croyez-moi, mieux vaut s’en aller, ceci n’est pas un jeu d’enfant !!! »

 

 (12) Le Pic-Vert errait comme une âme en peine, faisant vraiment pitié, quand passa Papango - l’oiseau de proie [milan]. A peine vit-il le Pic-Vert qu’il se mit à le gronder :

 

« Mais que fais-tu, pourquoi ne t’occupes-tu pas de ta rizière et pourquoi  n’as-tu pas consolidé ta digue ? »

 

Le Pic-Vert poussa un gros soupir avant de répondre :

 

« Je me suis fait avoir , moi le Pic-Vert, plein de malice, Madame la Chouette s’est glissée dans mon nid et ne veut plus s’en aller. Si tu arrives à l’en déloger, je te donnerais un poussin. »

 

 (14) Papango - l’oiseau de proie, se mit à parader de toutes ses ailes, tout en disant :

 

« Ce n’est que ça ? Tu vas voir, ce que tu vas voir, je vais m’en occuper. »

 

 Mais à peine s’approcha-t-il  du nid que  Madame la Chouette écarquilla ses yeux tout en sifflant :

 

Moi la Mère Chouette,

 

Quand je regarde le ciel, il se fracture,

 

Quand je regarde la terre, elle se dévaste

 

Ah pffffffffffffouuuuuuuuuuuuuuu

 

Papango-l’oiseau de proie décampa aussi vite que le vent, tout en jurant : « ouh aille aille, mieux vaut s’enfuir loin, ceci n’est pas un jeu d’enfant. »

 

 (16) Le Pic-Vert était au bord du désespoir, ayant perdu sa maison et tous ses biens, quand passa Tsintsina, le tout petit oiseau [Cisticole].

 

« Quel malheur t’arrive-t-il, grand-frère, lui demanda-t-il, pourquoi laisses-tu ta rizière en friche   et pourquoi  n’as-tu pas renforcé  ta digue ? »

 

Le Pic-Vert murmura tout en gémissant :

 

« Malheur à moi petit frère, je me suis fait avoir,  moi le Pic-Vert, plein de malice. Madame la Chouette s’est glissée dans mon nid et maintenant, elle boude et ne veut plus s’en aller. Aide-moi petit frère, si tu arrives à l’en déloger, je te donnerais une sauterelle. »

 

 (18) Fier comme tout, Tsintsina – le petit oiseau gonfla sa poitrine de toutes ses plumes et battit des ailes en chantant :

 

« Ne t’inquiète pas, je suis là, on verra ce qu’on verra. »

 

 (20) Pic-Vert en resta bec ouvert de stupéfaction. Mettez-vous à sa place, ce tout petit oiseau se vantait de réussir, là où les plus grands avaient déclaré forfait ?

 

Mais Tsintsina-le petit oiseau semblait sûr de lui.

 

(22) Sans aucune hésitation, il alla provoquer la Chouette.

 

« Qui es-tu toi qui oses occuper le nid de Pic-Vert ? » lui déclara-t-il avec insolence.

 

Madame répondit comme à son habitude :

 

Moi la Mère Chouette,

 

Quand je regarde le ciel, il se  . . . . .

 

 (24) Mais à peine eut-elle ouvert le bec que le petit oiseau s’y engouffra et en ressortit par son derrière et ensuite, revint dans le derrière de la Chouette et ressortit par le bec de celle-ci.

 

Affolée, Commère la Chouette s’enfuit sans demander son reste.

 

 (26) Le Pic-Vert regagna son nid sans encombre, tandis que Tsintsina - le petit oiseau, se percha sur la plus haute branche en exhibant sa sauterelle.

 

C’est depuis ce jour-là que l’on dit que cela ne sert à rien d’être fort, si on n’est pas sage et intelligent.

 

 

 

Contes, contes, légendes, légendes!

 

Moi, je raconte, vous, vous écoutez!

 

(780) mr XI/14

 

 

 

12 - Karijavola et Trimobe

 

Tiré des Angano Malagasy Nofohazina de Moks Razafindramiandra

 

Texte : Jacques Randrianaivo, Images : Roddy

 

 

 

(4) Il était une fois, selon un conte recueilli dans l'Ouest de Madagascar, une femme enceinte qui avait une envie excessive de taro. « Je vais perdre mon enfant, si je ne mange pas de taro », dit-elle à son mari. Celui-ci répondit : « Seul Trimobe cultive du taro par ici, va donc lui en demander. » Cependant, Trimobe n’était pas un homme mais un monstre.

 

 (6) La femme pria Trimobe de lui vendre du taro. Trimobe refusa de vendre mais lui demanda en échange son premier enfant. La femme ayant accepté sans penser à ce qu'elle faisait, Trimobe lui dit d’aller chercher une corbeille et de déterrer autant de taro qu’elle pourrait manger.

 

 (8) Elle se servit ainsi à volonté jusqu’à son accouchement. Trois mois plus tard , Trimobe vint chercher l’enfant. Mais la femme lui dit : «  Il est encore trop petit et sans goût, si vous le mangez maintenant. Laissez-le grandir un peu et devenir plus gras ». « Cela est vrai », dit Trimobe.

 

 (10) La femme cacha l’enfant chez des parents, lorsque Trimobe fut parti. Pourtant, un jour, Trimobe le surprit à la maison, car il était venu voir sa mère qui lui manquait. « Je vais emmener l’enfant », dit Trimobe, « parce que cela fait longtemps que vous l’avez élevé. D’ailleurs, il est maintenant bien gras. »

 

 (12) “Je ne voudrais pas que vous mangiez mon enfant, mais comme j'avais accepté de vous le donner , je dois m'y plier. Cependant, pour éviter que les gens se moquent de moi et me blâment, voici ce qu’on va faire : je l’enverrai garder les bœufs et c’est là que vous irez le prendre. Il s’appelle

 

Karijavola ». « Cela est juste », dit Trimobe.

 

 (14) Mais Karijavola avait entendu cette conversation entre Trimobe et sa mère, si bien qu’il dit à ses amis : « Je propose que nous allions tous nous appeler Karijavola, pour échapper à Trimobe , quand il viendra nous interroger. » Tous ses amis acceptèrent la proposition de Karijavola.

 

 (16) Trimobe vint effectivement aux champs. Lorsqu' il demanda aux enfants :« Lequel d’entre vous s’appelle Karijavola ? », celui-ci répondit : « Lui s’appelle Karijavola, celui-là s’appelle Karijavola, cet autre s’appelle Karijavola. Nous nous appelons tous Karijavola, alors de qui avez-vous besoin ? » « Cette femme a joué au malin avec moi », dit Trimobe. Et il rentra au village.

 

 (18) « Retournez dans les champs demain, je lui ferai porter un pagne rouge », dit la femme, lorsque Trimobe revint la voir. Mais Karijavola demanda à tous ses amis de porter un pagne rouge, si bien que Trimobe ne sut lequel emporter. Il avait peur de manger l’enfant d’une autre. Il en fut ainsi un moment: Karijavola veillait à ce que ses amis aient tout objet que sa mère lui donnait.

 

 (20) Cependant, un jour, Trimobe refusa de se laisser faire plus longtemps et tenta de manger la mère même de Karijavola. La mère implora son pardon et lui dit de revenir au cours de la nuit, au moment où les gens dormaient profondément. Trimobe ne refusa pas la proposition.

 

 (22) La nuit venue, Trimobe s’approcha doucement de l’enfant qui dormait profondément et réussit à l’emporter. L’enfant se plaignait amèrement quand il se réveilla : « Je vais mourir, Maman ! Je vais mourir, Maman ! » « Hélas, je ne peux rien faire“, dit sa mère. On t’a échangé contre du taro, essaie par tous les moyens de sauver ta vie ».

 

 (24) Une fois chez lui, Trimobe fit chauffer de l’eau pour faire cuire Karijavola. Cependant, au moment où il allait voir où en était l’eau, Karijavola lui fit un croc-en-jambe et Trimobe tomba la tête la première dans la grosse marmite pleine d’eau bouillante, et y mourut.

 

 (26) Karijavola rentra à la maison après la mort de Trimobe. Lui et ses parents étaient sauvés. Ceux-ci organisèrent une grande fête à laquelle ils invitèrent les amis de Karijavola et les habitants du village.

 

 

 

Contes, contes, légendes, légendes!

 

Moi, je raconte, vous, vous écoutez!

 

(690) J. 14