4 – Ravoay et Rakoera, le crocodile et le perroquet

Conte de la région d’Ambanja (Nord-Ouest)

Tiré des « Contes Antakarana », Ed. Foi et Justice


Texte : Myriam Verenako, Images : Patoo

 

(p.4) Un jour, dit-on, chers enfants, vivaient, il y a bien longtemps déjà dans la région d'Ambanja, Ravoay le crocodile, et Rakoera ou Raboloky le perroquet.

Ravoay vivait dans l’eau. Sa famille s’agrandit tellement qu' elle eut des difficultés pour se nourrir. Les crocodiles étaient devenus méchants et cruels et mangeaient tous ceux qui s’approchaient de leur territoire, animal ou homme .

Rakoera, quant à lui, habitait sur la terre ferme et vivait en paix avec ses voisins. Il était devenu riche, parce qu’il travaillait beaucoup.

 

(6) Se mettre à l’affût au bord de l’eau était la seule occupation de Ravoay. Un jour, il attrapa Rakoera au moment où celui-ci venait chercher de l’eau. Il ne le dévora pas tout de suite mais l’emmena dans son antre, pour le donner à manger à sa femme et à ses enfants. 

 

(8) En chemin, Rakoera essaya d’amadouer Ravoay pour qu’il le libère. En échange, Rakoera  lui donnerait un zébu. Ravoay refusa parce que cela ne pourrait pas le rassasier, lui et sa famille. Rakoera fut obligé d’augmenter son offre en proposant deux zébus, trois zébus… dix, mais Ravoay ne voulait accepter que si Rakoera lui donnait tous les zébus de l’un de ses parcs. Lorsque l'accord fut conclu, Ravoay ramena Rakoera sur la rive. Mais avant de le libérer, il fit promettre à Rakoera qu’il ne renierait pas sa parole.

 

(10) Tous les deux rejoignirent chacun sa demeure, Ravoay son antre, Rakoera sa forêt. Une fois rentrés, tous les deux réunirent leurs familles.

La famille de Ravoay était là au grand complet. Il leur raconta l’accord qu’il avait conclu avec Rakoera et termina ainsi : « Soyez fin prêts, demain nous mangerons les bœufs de tout un parc de Rakoera ».

 

(12) De son côté, Rakoera claudiquait comme un éclopé à cause de la blessure laissée par la morsure de Ravoay, lors de sa capture. Il n'avait pas l'intention de donner ses bœufs à Ravoay mais, au contraire, il voulait se venger. Il mit au point un plan pour tuer Ravoay et sa famille.

 

(14) Le lendemain, dès le lever du jour, la famille de Rakoera se trouva réunie dans la forêt. Rakoera lui-même était allé au bord de la rivière, pour dire à Ravoay et à sa famille de rejoindre la terre ferme non loin de la forêt où il habitait. Mais Ravoay ne répondit pas tout de suite à l’invitation de Rakoera et ne cessait pas de demander des garanties et de proférer des menaces. Lorsqu'il fut convaincu que Rakoera ne le tromperait pas, il sortit enfin de l’eau avec toute sa famille à la queue leu leu.

 

(16) Quand ils furent sur la terre ferme, Rakoera leur recommanda de se cacher dans les herbes et de se préparer à la capture des zébus, pendant que lui, Rakoera, et sa famille, rabattraient les zébus vers eux.

 

(18) Lorsque les crocodiles  se furent bien cachés sous les herbes, une partie des perroquets fit semblant de pousser devant eux des zébus « Hi – hô – ô – ô – ô – hi – hô-ô – ô –ô… »

En entendant les perroquets pousser des zébus devant eux, ils en furent fous de joie et se tinrent  prêts à attraper et à manger leurs zébus.

 

(20) L’autre partie des perroquets vint avec du feu et brûla l’herbe tout autour des crocodiles. Soudainement surpris à la vue de la fumée, les crocodiles s’agitèrent dans tous les sens pour s’échapper. Mais malheureusement, le feu s’étendit si vite qu'aucun d’entre eux ne put se sauver et qu’ils y laissèrent tous leur vie.

 

(22) Un seul réussit à sauter et se sauver dans l’eau. Mais tout son dos brûlait ainsi que le dessus de sa tête et de sa queue, si bien qu’il s’agitait furieusement dans l’eau. Quand il eut éteint le feu qui le brûlait, il se mit à réfléchir sur la manière de se venger des perroquets.

 

(24) Voilà l’origine de cette peau rugueuse qui ressemble à une cicatrice de brûlure chez le crocodile et dont tous ses descendants héritent de génération en génération. Et depuis ce jour là jusqu’à maintenant, le crocodile est à l’affût et se prépare à attraper le perroquet. C’est pourquoi ce dernier n’ose pas entrer dans l’eau, mais se pose sur les feuilles de ravenala [arbre du voyageur] où il boit de l’eau et prend son bain. Au retour du printemps, on entend les perroquets crier : « Hi – hô – ô – ô – ô – hi – hô-ô – ô –ô… »  Ils se souviennent de leur victoire d'alors sur les crocodiles.

 

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Moi, je raconte, vous, vous écoutez

(780) J.